Extraits
« Dans leurs lettres, ils se moquaient de l’absurdité des lois raciales du Troisième Reich : les Juifs n’ont plus le droit de posséder des animaux domestiques ou de se promener en groupe. Ils me décrivaient l’aveuglement des familles juives de la rue, convaincues qu’Hitler ne serait qu’un Spuk, « un fantôme passager » et que, de toute façon, personne ne ferait aucun mal à un vieillard qui avait décroché la croix de fer à Verdun. Ils évoquaient tous cette découverte singulière qu’ils avaient faite soudain : les « Juifs », ce ne sont pas ces caricatures qui paraissent dans le Stürmer, ces personnages aux nez crochus, aux lèvres épaisses et à l’œil fourbe. Les « Juifs » que les nazis persécutent, ce sont eux, les bourgeois bien en vue de cette rue. Eux, tout bardés de diplômes, de titres et de savoir. Eux, si influents. Eux, qui participèrent à l’essor industriel, économique et culturel de l’Empire. Eux, si parfaitement assimilés » p.77
« Après la mort de Wilhelm Wagner, les événements se précipitent. Quelques jours avant la capitulation allemande et la fin de la guerre, le 12 mars 1945, en une heure à peine, Swinemünde est presque entièrement détruite par une attaque aérienne américaine. 1 609 tonnes de bombes sont larguées sur la ville pleine de réfugiés fuyant les territoires de l’est devant l’Armée rouge. Les rues de Swinemünde sont encombrées : carrioles, animaux, balluchons et meubles divers. Un carnage. Seul le quartier de villas le long de la plage où se trouve la maison blanche des Bickenbach est épargné. Un miracle. Le 3 avril, le Führer se suicide dans son bunker et Berlin capitule. Le 2 mai, les soldats soviétiques hissent le drapeau rouge sur le Reichstag. Le 5 mai 1945, l’Armée rouge occupe Swinemünde. La ville se rend sans même combattre. » p.163