Double exil

Yannis Kiourtsakis

Informations générales

336 pages
Editions Verdier
Janvier 2014

Biographie de l’auteur

Yannis Kiourtsakis, né à Athènes en 1941, est essayiste, romancier et traducteur. Ses livres autobiographiques lui ont valu d’être reconnu comme l’un des auteurs grecs les plus marquants de notre temps.

Présentation de l’éditeur

Dans Double exil, Yannis Kiourtsakis – comme son frère dont le destin tragique est au centre de son premier roman Le Dicôlon – quitte la Grèce pour venir étudier « en Europe ». Il choisit Paris et la faculté de droit; il y rencontre une Française, Gisèle, qui deviendra sa femme. Le roman les accompagne à travers les années sombres de la dictature des colonels (1967-1974), puis aux premiers temps du retour à la démocratie.
Si l’exil est double, pour le héros de ce livre, c’est qu’il se découvre deux patries (la France et la Grèce) sans appartenir pleinement à l’une ni à l’autre, en même temps qu’il se sent étranger à son époque. Mais l’écriture opère chez le romancier une métamorphose qui, pour finir, fera de lui un écrivain grec, trouvant dans la culture populaire de son pays un moyen de se comprendre. La quête d’identité qui forme le fil conducteur de cette magistrale autobiographie aboutit alors à ce constat : « Il faut que nous apprenions un jour à dire nous-les-autres, puisque les autres ne cessent de nous habiter et de nous transformer. »

Extraits
« Bien sûr, quand il a pris la décision de revenir ici, il savait qu’il retrouverait cette nostalgie paralysante qui anéantit toutes ses forces. Pourtant, ce qu’il ressent maintenant, c’est plus que de la nostalgie : c’est le sentiment entièrement nouveau de porter en lui un pays à genoux ; une sorte de culpabilité ou de remords, qui le poursuit jour et nuit. Il revoit le visage parcheminé, tourmenté de Mitsos, ce vieux communiste dont il a fait la connaissance à Skyros, dans une ferme au-dessus des eaux bleues de la plage de Pefko ; il l’entend évoquer les années de guerre civile, quand il était lui aussi exilé, à Yaros : « Rendez-vous compte : une vie pleine de luttes, d’exils, de prisons », leur disait-il avec de l’amertume dans la voix ; « Et tout ça pour quoi ? Pour avoir aujourd’hui la junte et pour voir rouvrir le camp de Yaros ! » Que répondre à un tel homme ? Et que dire de ceux qui s’engagent maintenant dans le combat ? »  p.187

« Il le voit à présent : si depuis ce terrible matin du 21 avril, il se sent exilé où qu’il aille, ce n’est que parce qu’il est déjà partout en exil sans le savoir – la dictature n’a été que la catalyseur qui le lui a révélé ; mais son exil avait commencé bien avant et ses racines ne se trouvaient pas seulement en lui , mais aussi dans ce monde où il s’efforçait vainement de trouver sa place, quand il errait en France comme quand il revenait en Grèce… » p.275

Critiques

« Avec Le Dicôlon (Verdier, 2011), le public français avait découvert une voix nouvelle dans le chœur de la littérature grecque. Yannis Kiourtsakis, né à Athènes en 1941 et auteur de nombreux essais sur le folklore et la langue de son pays, revient aujourd’hui avec Double exil. C’est la période des Colonels (1967-1974). Le héros de ce livre a quitté la Grèce pour aller étudier à Paris, et il a atterri dans une chambre de service au 5e étage d’un vieil immeuble de la rue de Valenciennes. Là, il réfléchit à la dictature, au « système qui fait de nous des machines et des numéros et qui tue la vie ». Il fume beaucoup, cherche un sujet pour une thèse de droit qu’il n’a plus envie de faire, écoute des 45-tours de Tsitsanis sur un vieux pick-up et, au milieu de ce désœuvrement, se pose mille questions sur son avenir. Heureusement, il est fou amoureux de Gisèle, une belle Française étudiante à la Sorbonne, dont l’amour le pousse à écrire et éclaire son exil. Et si ce dernier est double, c’est que ce jeune homme finira par se découvrir deux patries, la France et la Grèce, mais qu’il n’aura jamais le sentiment d’appartenir pleinement à l’une ni à l’autre. Servie par une prose fluide, cette autobiographie est aussi une chronique des années sombres de la Grèce. Une quête d’identité qui n’est pas seulement celle du narrateur, mais celle de l’Europe tout entière. »  

Florence Noiville, Le Monde des livres,  24/01/2014