Jens Christian Grøndahl
Informations générales
240 pages
Editions Gallimard
2013
Biographie de l’auteur
Jens Christian Grøndahl est un écrivain danois de renommée internationale.
Il a mené à terme une formation de réalisateur à l’École danoise du cinéma et a collaboré à un journal. Il a étudié la philosophie de 1977 à 1979 et a commencé à écrire en 1985 un roman très réaliste avec Kvinden i midten. Auteur d’une quinzaine de romans, il a également écrit divers essais, pièces de théâtre, et pièces pour la radio.
Il a remporté de grands prix danois et compte de nombreux lecteurs à l’étranger, où ses livres paraissent dans une vingtaine de langues. En 1995, il reçoit une bourse du Fonds artistique danois, et en 1995 le prix Herman Bang. De 1995 à 1998, l’écrivain a été président adjoint du Pen Club danois.
En 2007, il a reçu le prix Jean Monnet des Littératures européennes de Cognac pour son roman « Piazza Bucarest ».
Présentation de l’éditeur
David Fischer ne se doute pas que sa conversation téléphonique avec sa femme, alors qu’il est en voyage d’affaires à Londres, sera le premier signe annonciateur de trois jours qui mettront à mal bon nombre de ses certitudes. Car tout va bien dans la vie de cet avocat danois, et le dîner avec Nabeel, le petit-ami pakistanais de sa fille Zoë, qu’Emma lui annonce, ne lui pose aucun problème. Mais le lendemain matin, une fois rentré à Copenhague, il trouve une croix gammée taguée sur sa boîte aux lettres. Il décide de la remplacer et de n’en parler à personne, mais il est troublé.
Sa femme Emma est anglaise. Mariée avec David depuis vingt-cinq ans, elle l’a suivi dans cette banlieue cossue de Copenhague pour se consacrer à l’éducation de leur fille Zoë mais aussi à la peinture, sans toutefois tenter une carrière. Le soir du dîner, quand elle prend l’initiative de parler des origines juives de David à Nabeel, le malaise dans cette famille en apparence sans histoire s’accroît tout d’un coup. Puis arrive le premier vernissage de Zoë, étudiante aux beaux-arts, où l’installation vidéo provocante qu’elle a conçue avec Nabeel risque bien de mettre le feu aux poudres…
Dans une narration serrée à l’intrigue ramassée, Jens Christian Grøndahl évoque avec une grande justesse ces moments où nos identités se fissurent et où tous nos repères semblent se recomposer. Les complémentaires est sans doute son roman le plus contemporain – les questions d’appartenance, d’immigration et de multiculturalisme y sont clairement abordées – mais aussi le plus émouvant!
Extraits
« Ni Dora ni Adam Zalman, qui était devenu son fiancé après la libération, ne se sentirent particulièrement enclins à mettre en avant leur religion commune. Ils se marièrent à l’Hôtel de ville de Copenhague afin d’avoir une chance d’obtenir un appartement près de la brasserie où il fut embauché comme chauffeur. La guerre avait gâché ses rêves d’études, et il joignit les deux bouts en travaillant à droite et à gauche. Par son travail chez un brocanteur, il s’intéressa aux livres anciens et il ouvrit sa librairie ancienne dans une petite rue du vieux centre-ville. David ne vit jamais son père lire autre chose que le journal, mais il avait dû devenir une sorte de spécialiste car on trouvait des ouvrages rares et coûteux au milieu des volumes poussiéreux sur les rayonnages de la boutique en entresol. David faisait souvent ses devoirs dans l’arrière-boutique, l’après-midi. Quand il interrogeait son père, celui-ci levait les yeux de ses piles vacillantes. Puis il souriait, confus, comme si le fait d’avoir un fils était une heureuse surprise bien tardive. » p.82
« La voiture d’Emma n’était pas à sa place habituelle, et pas une fenêtre n’était allumée. Son portable sonna à l’instant où il coupait le contact et s’apprêtait à descendre.
David Fischer.
-C’est Nabeel. Est-ce que je te dérange ?
-Non.
-J’appelle pour m’excuser.
-T’excuser pour quoi ?
-Pour mon père. Sa réaction. Pour avoir mis la main sur toi comme ça. Oui, il t’a kidnappé. Je suis vraiment absolument désolé. »
David était sur le point de demander à Nabeel comment il savait que Mansoor l’avait emmené chez lui. Mais il ne posa pas de question. Il était certain que ce n’était pas Safia qui avait appelé son frère. Mansoor avait lui-même parlé de leur conversation. Il repensa à Safia, muette et droite devant l’écran de son ordinateur. » p.193
Critiques
« Une aura de romanesque particulière s’attache toujours aux personnages de Jens Christian Grøndahl et, pourtant, l’intrigue des romans du Danois né en 1959 paraît presque systématiquement d’un total prosaïsme, si ce n’est d’une inconsistance absolue. C’est comme si l’auteur de Bruits du cœur et Quatre Jours en mars voulait précisément raconter en quoi l’inconsistance consiste. Les Complémentaires ne fait pas exception à cette règle. Ici, il s’agit d’un couple qui s’éloigne, ou bien se rapproche. David est un juif danois, Emma une peintre anglaise qui n’expose pas, ils vivent à Copenhague et ont une fille vidéaste qui vient de rencontrer un étudiant pakistanais. Mais en quoi ces identités les identifient-ils ? »
Mathieu Lindon, Libération, 25/09/2013